Petit déjeuner

Il était encore tôt, mais pourtant j'étais déjà réveillée. Une maudite rouge-queue noire, perchée juste au dessus de la fenêtre de mes quartiers, avait eut la mauvaise idée de se mettre à chanter à tue-tête. C'était dans leurs habitudes de chanter si tôt, mais avant, ces oiseaux ne venaient pas aussi prêt de ma fenêtre. Je bondis hors du lit : puisque j'étais réveillée, autant en profiter! Je courus à la fenêtre pour tirer les rideaux. Dehors, le soleil se levait à peine. Je contemplais un moment le ciel gris automnal, me demandant si j'aurai l'occasion de partir en mission aujourd'hui. Je fis demis-tour, me changea en vitesse, enfilant ma tenue habituelle. Je traversai la chambre pour sortir et m'arrêtai une fraction de seconde devant le miroir : ma chevelure noire était encore plus ébouriffée que d'habitude. Je souris devant l'aspect désastreux de mes cheveux et tenta d'arranger cela à la main pour m'éviter le supplice de la brosse. Je détestai vraiment cela. A part m'arracher la tête et me faire mal, cette brosse ne servait vraiment à rien. Je descendis quatre à quatre les escaliers qui menaient au rez-de-chaussez. Généralement, je ne mangeais pas le matin. En faite, je ne mangeai que très peu. Juste un peu le midi et trois fois rien le soir. A chaque fois, je mettais une éternité à finir mon assiette et je considérai cela comme une perte de temps. Même si j'appréciais le moment, je préférais de loin les missions ou les promenades en forêt. Toutefois, en arrivant en bas, l'odeur de petit déjeuné qui émanait du réfectoire m’attira. La patrouille matinale dans Orchedin pouvait bien attendre pour cette fois, puisqu'il était encore très tôt. Je pris la direction de réfectoire, le pas léger, comme à mon habitude. Arrivé dans cette vaste pièce, je me servis une choppe de thé vert et parti à la recherche d'une table. Soudain, je me figeai. Elyu se trouvai non loin, seule à une table. Elle buvait ce qui ressemblait à du chocolat chaud. Cette vision m'arracha une grand sourire. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle buvait ce genre de boisson. Je la voyais beaucoup mieux avec un café, à mon avis, plus adapté à son sérieux. Je fis un effort pour chasser ces pensés de mon esprit et me dirigea vers elle. Cette fois, aucune excuse pour ne pas aller lui parler. Je me coulai près d'elle et lui lança de ma petite voix mélodieuse :

- Bonjour Elyu! Je peux m'assoir?

J'optai pour la technique la moins contraignante possible. C'était à elle de décider si elle acceptai ma présence et donc une discussion, ou non. Cela me semblait un bon compromit.

Elyu posa son bol et se tourna vers moi. Une lueur surprise passa furtivement dans son regard bleu-vert qui avait de quoi charmer. D'une certaine façon, ils me rappelaient ceux de Lenn, tout en restant pourtant très différent. Ce n'était pas la même lumière qui y brillait. A ma question, elle sembla hésiter quelques instants puis se décida à répondre d'une voix calme :

- Oui, bien sûr.

Première étape réussie!! pensai-je en réprimant une mimique de victoire. Je m'assis en face d'elle et posa ma choppe de thé sur la table, l'entourant de mes deux mains pour me réchauffer. Contrairement à ce que j'avais prévu, Elyu entama une discussion, un peu maladroitement :

- Euh... Vous avez bien dormi ?

Elle se pencha de nouveau sur son bol, comme pour se cacher. Je souris : au moins elle faisait des efforts pour paraître aimable. Je répondis aussitôt d'une voix enjouée :

- Parfaitement! Malgré une rouge-queue noire un peu trop matinale qui s'est permit de me réveiller!

J'aurais pu m'attarder sur le confort des quartier du Capitaine, la qualité du matelas ou encore de la couette, mais je n'étais pas là pour parler de ça, et si je détaillais trop ma nuit, je finirais par oublier l'objectif premier de cette discussion. Bien trop maladroite quand il s'agissait de parler de chose sérieuse, j'en oubliai de paraitre naturelle et ne retourna pas la question à mon Lieutenant. Je bu une petite gorgée de mon thé pour... me donner de courage? Je me lançai :

- Au fait Elyu...

C'était encore plus dur que ce que j'imaginai. J'avais envie de rire mais je me mordis la lèvre inférieure pour m'en empêcher. Non, ça ne va pas! On dirai que je me moque d'elle! J'optai pour un simple sourire, puisque je n'arrivai pas à faire autrement, c'était sans doute déjà mieux qu'un rire.

- ... Je suis désolée pour l'autre fois, en forêt. C'est dur pour moi d'être sérieuse et de te comprendre.

Ah, que je n'aimais pas ça! Pas les excuses, mais plutôt expliquer que j'avais du mal à être sérieuse. C'était tellement peu crédible, surtout dis d'un air aussi joviale. J'eus envie de m'enfuir, comme je l'avais fais au P'tit Canasson, mais ç'aurait été trop impoli : cette fois, je n'avais même pas fini ma choppe de thé. Cette fois le rire m'échappa et je m'empressai de conclure sur un "désolée". Je me dis que j'aurais mieux fais d'attendre un peu plus avant de lui parler de cela : j'étais très loin d'être prête, finalement.

Elyu ferma les yeux un instant et bu une gorgée de sa boisson. Quand je repris la parole, elle leva les yeux et planta son regard droit dans le miens. Elle sembla stupéfaite de ce que je venait de lui annoncer. Je craignait qu'elle croit encore que je me moquais d'elle mais visiblement ce n'étais pas le cas. Elle baissa les yeux un instant avant de les relever vers moi.

- Capitaine... Je ne vous en veux pas de ne pas arriver à me comprendre. Moi-même, j'ai parfois du mal. Mais sachez que les rares fois où j'arrive à... ne pas être, disons, impassible, c'est que je suis sincère.

Ce fut à mon tour d'être stupéfaite. En plus d'avoir accepter les excuses sans prendre en compte mon manque de sérieux, elle semblait s'excuser elle aussi. Je me rendis aussi compte que je ne l'avais pas souvent vu sincère. Je bu encore un peu de mon thé, pour me tirer de l'émotion. Elyu poursuivit après un petit raclement de gorge gêné.

- ...Le reste du temps, je ne vous promets rien.

Je souris dans ma choppe. Je n'attendais rien de plus d'elle. Elle m'avait comprise et je commençais également à voir clair dans son jeu, cela me suffisais. Finalement, nos différences étaient la base de notre point commun : si Elyu avait l'air en permanence froide et impassible, j'étais au contraire, tous le temps souriante et énergique. Dans les deux cas, cela ne nous facilitait pas la tâche pour être comprises. J'ai toujours été très joviale, bien que le temps ne fut pas un facteur améliorant, mais je me demandais si c'était aussi le cas d'Elyu. Cette dernière esquissait un léger sourire qu'elle s'empressa d'effacer puis reprit :

- Et ne vous en faites pas, je savais depuis longtemps que vous ne saviez pas être sérieuse.

Je faillis avaler de travers mon thé, puis j'eus un rire gêné. A vraie dire, personne ne m'avais jamais dis ça. Je n'avais pas non plus fait cette "révélation" à beaucoup, mais je n'avais pas souvenir que la réaction des personnes à qui je l'avais faite soit aussi... crue. Je n'étais pas vexée, mais juste très surprise qu'Elyu me dise cela. Je secouai la tête pour me réveiller, faisant voler mes épais cheveux noirs en pagaille. Je lui souris et enchaînai :

- Merci Elyu!

Certes, ont étaient très différentes, ont auraient sans doute toujours un peu du mal à se comprendre ou à être d'accord, mais pour une raison que je ne savais m'expliquer, je m'étais beaucoup attaché à elle. Je finis mon thé. Étonnement, j'avais été assez rapide cette fois-ci.

- Bon! J'avais prévue de patrouiller dans les quartiers Est aujourd'hui. Partante pour faire partie de l'équipe?

demandai-je, impatiente de pouvoir enfin sortir prendre l'air.